Albert de Salvo, l'Etrangleur de Boston
Albert de Salvo |
C'est le cas de l'Etrangleur de Boston que je vais aborder aujourd'hui, un homme dont l'identité est connue puisque son véritable nom est Albert de Salvo. Mais en ce seul nom se cachent trois profils meutriers, et c'est ce qui rend l'histoire de cet homme "intéressante". Il est né le 3 septembre 1931 et est mort le 25 novembre 1973. Il a violé puis étranglé 13 femmes, la première est morte le 14 juin 1962, et la dernière le 4 janvier 1964 à Boston, aux Etats-Unis, chez elles. Le mode opératoire est toujours le même : viol au domicile de la victime (avec un objet pour les dames âgées, par lui-même pour les jeunes), étranglement, mise en scène déplacée, logement retourné mais pas d'empreintes, pas de vol à déplorer et pas d'effraction. On dit qu'aucun de ses crimes n'était prémédité, seules ses pulsions parlaient. Mais avant tout cela, d'autres événements durant sa jeunesse sont arrivés.
Durant son adolescence, il se plaisait à tirer sur des chats avec un arc et des flèches, et a été arrêté à plusieurs reprises pour coups et blessures. A l'âge de 12 ans il a cambriolé une maison, ce qui lui a valu un placement en maison de redressement. C'est dans cette maison qu'il aurait appris toutes les perversions sexuelles dont il fera preuve plus tard, lui-même l'a dit. A l'âge de 17 ans il a commencé à entrer par effraction chez des étudiantes de Boston, mais sans commettre le moindre meurtre, avant de partir en Allemagne après son entrée dans l'armée, où il s'est mis à proposer ses "services" aux femmes délaissées par les officiers, ainsi qu'aux Allemandes. En 1954, alors qu'il avait 23 ans, il s'est marié avec une femme répondant au nom de Irmgard Berck avant de rentrer à Boston avec elle. Mais l'ennui était trop présent pour Albert de Salvo et, alors qu'il avait cessé cette activité, il s'est remis à visiter des appartements, mais aussi des maisons.
Il a été interrogé par la police en décembre 1954, après être allé frapper à une porte, vêtu de son uniforme militaire, et avoir annoncé à la femme qui lui a ouvert qu'il avait aperçu un rodeur près de chez elle. Elle l'avait fait entrer pour qu'il vérifie que tout allait bien, mais il s'était enfui en apprenant que son mari allait rentrer. La femme avait eu le temps de noter sa plaque d'immatriculation, d'où l'interpellation par la police. Il expliqua chercher une chambre à louer, n'y eut pas de suite à cette affaire. Le 3 janvier 1955, soit quelques jours plus tard, une nouvelle interpellation eut lieu pour Albert de Salvo. Il a été accusé d'attouchements sexuels par une petite fille de 9 ans laissée seule chez elle par sa mère avec ses 2 petits frères. L'homme avait frappé à la porte en prétextant chercher une chambre à louer, ce que la petite fille rapporta à sa mère. La police, en apprenant cela, n'eut pas de mal à faire le lien avec ce qui est arrivé en décembre. Albert de Salvo ne fut pas jugé dans cette affaire, la maman ayant préféré retirer sa plainte pour ne pas traumatiser davantage sa petite fille. Albert de Salvo devint papa quelques mois plus tard, une fille nommée Judy, ayant une malformation pelvienne congénitale. Sa femme, Irmgard Berck, évita par la suite les rapports sexuels avec son mari, afin d'éviter de faire un autre enfant qui pourrait avoir le même handicap. En 1956, de Salvo quitta l'armée sur idée de sa femme, et le couple s'installa dans la banlieue de Boston. Il fut arrêté plusieurs fois pour être entré par effraction dans des logements, entre 1956 et 1960, mais il n'eut que des peines avec sursis. Et en 1960 naquit le second enfant du couple, un garçon nommé Michael, sans handicap. Albert de Salvo tenta alors d'avoir une vie normale, passant d'un petit boulot à l'autre, avec une bonne réputation, mais ses pulsions n'étaient pas enfouies pour autant.
Depuis le début de l'année 1960, dans la région de Cambridge, un homme était recherché. Cet homme était brun, avait entre 25 et 30 ans, se présentait aux portes d'appartement et de maisons sous l'identité de monsieur Johnson lorsqu'une femme ouvrait la porte, expliquant sa visite par une recherche de mannequins en devenir, étant envoyé pour prendre les mesures de la personne. Plusieurs femmes se laissèrent tenter. Une certaine madame Lewis de l'agence devait rappeler si les mesures correspondaient à ce qu'elle recherchait, mais bien sûr aucune des jeunes femmes n'ont été rappelé puisque l'agence n'existait pas. Certaines d'entre elles ont contacté la police, et voila la raison pour laquelle cet homme était recherché. Albert de Salvo fut arrêté le 7 mars 1961 alors qui tentait d'entrer dans une maison. Il a admis être celui qu'on appelait alors le Mesureur. Il ne prit que 18 mois de prison, dont un séjour en établissement psychiatrique afin d'évaluer sa santé mentale. Il fut décrit durant cette évaluation comme un homme vantard, aux sentiments agressifs, aimant raconter ce qu'il a fait en tant que Mesureur, cherchant à attirer l'attention, avec des troubles de la personnalité et des traits schizoïdes. Mais il fut aussi décrit comme un homme souhaitant guérir, seulement c'est en prison, et sans aucun soin, qu'il finit sa détention et non dans l'établissement psychiatrique. Il y resta jusqu'en avril 1962, soit 11 mois après, pour bonne conduite. Il rentra chez lui, avec les meilleures intentions du monde, mais sa femme le rejeta.
Entre le 14 juin 1962 et le 4 janvier 1964, 13 femmes sont violées et étranglées à Boston, chez elles. La première victime est Anna Slesers femme divorcée de 56 ans, et est assassinée le 14 juin 1962. C'est son fils, Juris, qui la trouve, étendue devant sa salle de bain, la ceinture de son peignoir serrée autour de son cou. Il prévient la police de son "suicide". La police découvre le corps nu sous son peignoir, partiellement ouvert et montrant sa nudité de façon déplacée. L'enquête conclut à un meurtre et non à un suicide, elle a également été frappée à la tête avant son étranglement. Le meurtrier serait très certainement venu pour la cambrioler mais Anna, lui ayant ouvert la porte en peignoir (l'absence totale de traces d'effraction prouve qu'elle l'a laissé entrer de son plein gré), aurait réveillé en lui des pulsions sexuelles qu'il a voulu assouvir. Albert de Salvo avouera qu'il a bien pris soin de se débarrasser de sa chemise tâchée de sang dans l'océan avant de prendre un manteau chez cette femme, puis de rentrer dîner chez lui comme si rien ne s'était passé, n'emportant rien appartenant à cette femme.
Le 30 juin 1962, Albert de Salvo quitte son logement plus tôt qu'à l'accoutumé. Il se rend dans la ville de Lynn, où il a mesuré plusieurs femmes deux ans auparavant. C'est Helen Blake, retraitée de 65 ans, qui ouvre la porte à laquelle il frappe. Elle est alors en pyjama. Son corps est retrouvé le 2 juillet, pratiquement nu, allongé dans son lit sur le ventre, jambes écartées. Helen a été étranglée avec un de ses propres bas nylon, avant qu'il y soit placé sa brassière. Elle a été victime de violences sexuelles avec un objet, mais pas violée. Et aucun objet personnel n'a été volé. Le même jour, c'est Nina Nichols, retraitée de 68 ans, qui est tuée dans son appartement. L'autopsie montre qu'elle a été agressée sexuellement à l'aide d'une bouteille. Encore une fois, aucune trace d'effraction, et aucun vol. Le préfet de police Edmund McNamara entreprend à ce moment de conseiller aux femmes de la région de Boston de fermer leur porte et de se méfier des gens qu'elles ne connaissent pas. Dans le même temps, il place tous ses officiers sur l'affaire avec les enquêteurs du département Homicide, afin de retrouver le meurtrier. Tous les agresseurs sexuels connus, et les malades mentaux libérés récemment sont étudié au peigne fin. Ils cherchent un jeune homme pris de délire de persécution, dont le mobile de ces meurtres serait certainement un dédain de sa propre mère. Il serait célibataire et vivrait seul avec sa mère, voire serait homosexuel.
Mais cela n'empêche pas le meurtre d'Ida Irga, veuve de 75 ans, le 19 août 1962, et retrouvée deux jours plus tard. Elle aussi étranglée, mais manuellement cette fois. Elle aussi violée avec un objet. Elle aussi placée dans une position montrant ouvertement ses parties génitales. En effet, lorsqu'elle est découverte, elle est allongée sur le sol du salon, nue sous une robe déchirée, les jambes écartées. Mais pire que les autres victimes, ses pieds sont attachés aux montants de deux chaises, et un coussin est placé sous ses fesses. On retrouve aussi du sang sur sa tête, sa bouche et ses oreilles. La même journée, c'est Jane Sullivan, infirmière de 67 ans vivant à l'autre bout de la ville par rapport à Ida, qui quitte le monde des vivants. Mais elle n'est découverte que le 30 août par son neveu. Son corps est retrouvé dans la baignoire, sur les genoux, les pieds sur le rebord et la tête sous le robinet, dans une quinzaine de centimètres d'eau. Elle a été étranglée avec ses bas nylon mais pas dans la baignoire car du sang a été retrouvé dans la chambre et le salon. La thèse qui est retenue est qu'elle a été agressée sexuellement dans la chambre ou le salon, certainement par un manche à balai puisque celui-ci a été retrouvé tâché de sang, puis étranglée, et enfin emportée dans la salle de bain pour que la police la retrouve dans cette fameuse position. A ce moment, le meurtrier commence à être affublé de plusieurs surnoms, comme l'Etrangleur Fou, Le Tueur du Soir ou encore l'Etrangleur Fantôme. Du côté de l'enquête, les quelques points communs entre les victimes sont leur intérêt pour la musique et leur carrière médicale. Le meurtrier est alors recherché dans les salles de concert et les milieux médicaux.
C'est le 5 décembre 1962 que la série de meurtres reprend, avec celui de Sophie Clark, 21 ans, vivant très près du logement d'Anna Slesers, première victime. Ce sont ses deux colocataires qui la trouvent, allongée dans le salon, nue, jambes écartées, violée puis étranglée par deux bas nylon par-dessus lesquels sa combinaison blanche a été placée. Il y a de grandes différences entre Sophie et les victimes précédentes, à savoir qu'elle a la peau noire, qu'elle a été violée par son meurtrier et non par un objet, et surtout qu'elle est jeune. Mais le mode opératoire est le même. Le lundi 31 décembre 1962, Patricia Bissette, 23 ans et vivant tout près des logements d'Anna Slesers et Sophie Clark, est retrouvée morte dans son lit, couverture remontée jusqu'au menton, plusieurs bas nylon serrés autour de son cou. Bien sûr, elle aussi a été violée. Cette fois, la serrure a été crochetée. De ces deux meurtres, la thèse comme quoi le meurtrier aurait la haine de sa propre mère est écartée, au vu de la jeunesse de ces deux victimes. A moins qu'un autre homme ait copié le mode opératoire de l'Etrangleur de Boston.
Le 18 février 1963, Gertrude Gruen, 28 ans, échappe de peu à la mort, mais ne parvient pas à se souvenir du visage de son agresseur. Le 9 mars 1963, Mary Brown, 69 ans, n'y réchappe pas quant à elle. Elle est retrouvée dans le hall de son appartement, étranglée et battue à mort avec un tuyau en cuivre. Le 8 mai 1963, Beverly Samans, 23 ans, est retrouvée morte, allongée sur le canapé, jambes écartées et attachées aux supports du convertible, mains attachées dans le dos par une écharpe, des traces de morsure sur la poitrine. Deux bas nylon et une écharpe sont faiblement serrés autour de son cou mais elle a reçu 4 coups de couteau dans la gorge et ce sont eux qui sont responsables de sa mort, non l'étranglement. La date de sa mort remonte au 6 mai. Le 8 septembre 1963, Evelyn Corbin, 58 ans, est retrouvée morte, allongée sur son lit, chemise de nuit déchirée, étranglée avec deux bas nylon, une culotte dans sa bouche, un bas noué autour de la cheville gauche. Elle a été violée et mordue sur tout le corps. Le 25 novembre 1963, c'est Joann Graff, 23 ans, violée, mordue à la poitrine et assassinée, qui est retrouvée. Mais sa mort passe un peu à la trappe dans les médias, la mort de JFK 3 jours auparavant suscitant tous les intérêts. Le 4 janvier 1964, Mary Sullivan, 19 ans, est retrouvée morte alors qu'elle avait emmenagé tout juste 3 jours avant. Elle est retrouvée assise sur son lit, adossée contre la tête du lit, oreiller sous les fesses, genoux écartés et relevés, un manche à balai enfoncé là où vous devinerez facilement. Elle a été étranglée manuellement, mais un bas a été placé serré autour de son cou par la suite, bas par-dessus lequel a été attachée une écharpe. Le meurtrier a pris la peine de déposer contre ses pieds une carte de vœux avec un message : "Bonne et heureuse année".
Au niveau de l'enquête, les Bostoniens sont furieux contre la police qui ne parvient pas à trouver le meurtrier. Pourtant, le dossier fait plus de 37.000 pages et 2300 suspects ont déjà été interrogés. Le gouverneur Peabody décide d'offrir 10.000 dollars à quiconque pourrait donner une information permettant d'identifier le coupable. En attendant, la piste de 2 Etrangleurs fait son bout de chemin, la police imaginant que les femmes âgées auraient été tuées par un premier Etrangleur, et que c'est un copieur qui aurait tué les jeunes femmes. Plus rien ne se passe jusqu'en mars 1964 où 25 plaintes sont déposées pour agressions et viols dans le Connecticut, le Massachusetts, le New Hampshire et Rhode Island. Le coupable est surnommé "L'Homme en vert" à cause de ses vêtements de travail de cette couleur. Il s'est présenté à chacune de ces victimes comme étant un réparateur. La date du 6 mai 1964 est importante car ce jour-là, l'Homme en vert a commis pas moins de 4 agressions entre 9h et 14h. Albert de Salvo est arrêté le 2 novembre 1964, pour être entré le 27 octobre précédent avec effraction dans l'habitation d'une femme mariée, qui était alors seule tandis que son mari était au travail. Il l'avait agressée puis était parti en lui demandant de rester silencieuse le temps qu'il prenne la fuite. Au moment où la jeune femme a déposé sa plainte, un portrait robot a pu être établi grâce à ses descriptions, et c'est ainsi que de Salvo a pu être arrêté. Il est relâché sous caution le 6 novembre mais comme la photo circule sur le réseau télétype de la police, beaucoup d'appels sont passés dans les jours suivants à la police, par les victimes de l'Homme en vert.
L'arrestation d'Albert de Salvo |
De Salvo est arrêté à nouveau et, sous la pression de sa femme qui lui demande de l'honnêteté, il avoue être entré dans environ 400 appartements et maisons, et avoir agressé plus de 300 femmes dans 4 états différents. On ignore si ces chiffres sont réels ou exagérés. Il avoue aussi, mais à son avocat cette fois, qu'il est l'Etrangleur de Boston mais l'avocat en question, Jon Asgiersson, ne le croit pas. Alors que de Salvo est en prison, son épouse Irmgard quitte leur domicile pour s'installer chez quelqu'un de sa famille. Quelques mois plus tard, elle quitte les Etats-Unis pour l'Allemagne avec ses deux enfants, et elle divorce le 1er décembre 1966. En prison, de Salvo raconte ses crimes à qui veut l'entendre et son co-détenu, qui n'y croyait pas au départ, finit par en parler à son avocat, F. Lee Bailey. Bailey se déplace lui-même pour rencontrer de Salvo qui lui parle des 13 victimes "officielles" de l'Etrangleur de Boston, mais aussi de Mary Mullen, 85 ans, morte d'une crise cardiaque pendant son agression le 28 juin 1962; et de Mary Brown, 69 ans, battue à mort et étranglée le 9 mars 1963, deux meurtres qui n'ont jamais été rapprochés de l'Etrangleur de Boston jusqu'alors. L'enquête sur l'Etrangleur se centre alors sur lui et la police lui demande des informations que seul l'Etrangleur peut connaître, informations que de Salvo n'a aucun mal à donner, accompagnées de beaucoup de détails très précis sur chacun des meurtres, que ce soit sur la victime ou sur les lieux. Mais l'absence d'empreintes, et l'inexistence des tests ADN à cette époque, rendent difficile l'inculpation de de Salvo puisqu'il n'y a rien à part ses déclarations.
Le 9 janvier 1967, de Salvo est jugé. Son avocat plaide la démence mais il est déclaré coupable le 18 janvier et écope de la prison à vie dans une prison de haute sécurité alors qu'il espérait être admis en hôpital psychiatrique, ce qui lui aurait permis d'avoir une chance de sortir quelques années plus tard. Le 25 novembre 1973, de Salvo est retrouvé mort dans sa cellule, poignardé à plusieurs reprises. Son meurtrier n'a jamais pu être identifié.
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