Les disparus des Dardanelles
Le bataillon de Norfolk disparu |
Mais où est passée la 7ème compagnie ? Ah non pardon, c'est du 4ème Norfolk dont il est question. A moins que ce ne soit du 5ème... Bref, nous allons revenir dessus un peu plus loin. Nous sommes en 1915, et ce régiment de Norfolk de 267 hommes au total se trouvait alors sur la presqu'île des Dardanelles, en Mer Noire. La bataille des Dardanelles (ou de Gallipoli si vous préférez) eut lieu entre le 25 avril 1915 et le 11 janvier 1916 dans le but pour la France et l'Angleterre de prendre possession de ce territoire, qui était un point stratégique puisqu'il contrôlait les communications entre la Méditerranée et les ports russes de la Mer Noire.
La carte des Dardanelles en 1915 |
Pour en revenir au régiment de Norfolk, il était engagé afin d'aider un corps d'armée Australiens et néo-Zélandais en difficulté au sud de la baie de Suvla, mais son but principal était de défendre les positions Françaises et Anglaises contre les Allemands. 22 soldats, membres de la 1ère compagnie d'infanterie de Nouvelle-Zélande, observèrent l'un des bataillons de ce régiment s'enfoncer dans la vallée de la presqu'île, alors cachée par un épais nuage, et... plus rien. Lorsque le nuage disparut, le bataillon ne refit jamais son apparition. C'est le témoignage raconté en 1965, soit 50 années plus tard, par 3 soldats ayant appartenu à ce fameux corps d'armée néo-Zélandais, lors d'une réunion commémorative d'anciens combattants. Il s'agit du sapeur F. Reichardt, du sapeur R. Newnes, et de J-L Newman. C'est donc ainsi qu'ils rapportèrent la disparition du 4ème bataillon de Norfolk, en date du 21 août 1915. Mais plusieurs incohérences planent dans leur récit.
Premièrement, le 4ème Norfolk n'a jamais été porté disparu, c'est le 5ème. Par ailleurs, les témoins se trouvaient à une distance géographique de quelques 7 km du 4ème Norfolk, qui ressortit décimé de sa bataille du jour. Ensuite, la date du 21 août 1915 n'est pas la bonne, car la disparition date du 12. Et comme elle date du 12, ces néo-Zélandais ne devaient pas être à l'endroit indiqué, car ils ne devaient s'y rendre que le lendemain selon les rapports officiels. Toutes ces incohérences engendrèrent un grand scepticisme, et le discrédit fut jeté sur le témoignage de ces 3 anciens combattants. Pourtant, le rapport final de la commission des Dardanelles, rédigé en 1917 et divulgué en cette année 1965, rapporte bien l'événement comme ils l'ont raconté. Voici un extrait de ce rapport :
Par quelque aberration de la nature, la plaine et la baie de Suvla furent enveloppées, dans l'après-midi du 21 août, par un étrange brouillard. C'était là vraiment jouer de malchance, car nous avions précisément tablé sur le fait que les tireurs ennemis seraient éblouis par le soleil déclinant qui éclairerait au contraire avec netteté les tranchées turques. Au lieu de cela, nous distinguions à peine les lignes ennemies, alors que nos positions se détachaient nettement à contre-jour dans cette vive lumière.
Suvla Bay en 1915 |
Cet extrait tend à donner du crédit au récit des néo-Zélandais, d'autant plus qu'il vient d'un rapport tout ce qu'il y a de plus officiel. Concernant le brouillard dont il est question dans cet extrait, il s'agit en réalité d'un phénomène climatique bien connu dans la région, ce ne serait donc rien de surnaturel. Cependant, la date citée est celle du 21 août, une date fausse donc. C'est cela qui prouve que les néo-Zélandais se sont servis de cet extrait pour apporter leur témoignage. Après la reddition des Ottomans en 1918, l'armée britannique pensa à leur demander la libération des prisonniers du régiment de Norfolk, la réponse des Turcs fut surprenante : non seulement ils n'avaient aucun prisonnier de ce régiment, mais en plus ils en ignoraient même l'existence !
Pourtant, 122 corps en décomposition furent retrouvés durant une enquête militaire menée dans les années 20, appartenant à ce régiment. Il s'agit des membres du 4ème bataillon de Norfolk, qui fut décimé par les Ottomans. Concernant le 5ème bataillon... on n'en retrouvera jamais la moindre trace. Il faut savoir que sur les 34.000 soldats Britanniques portés disparus aux Dardanelles, seuls 7.000 disposent d'une sépulture. Cela fait 27.000 disparus réels durant cette campagne. L'histoire du 5ème bataillon de Norfolk n'est donc pas un cas isolé.
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