Et ces choses dont il manque, je n'arrive pas à les lui apporter, tout comme je n'ai jamais pu les apporter à qui que ce soit auparavant, car c'est la conséquence de ce par quoi je suis passée dans mon adolescence, et que je ne parviens pas à m'en défaire. C'est de cela dont je vais parler aujourd'hui, pour la première fois. Je ne sais si cela changera quelque chose ou non dans mon comportement, mais j'espère en tout cas me sentir un peu libérée après cet exercice. J'espère aussi contribuer à pousser d'autres femmes, qui n'ont pas encore parlé, à le faire. Car c'est important, et que ces faits ne doivent pas rester dans le silence, aussi vieux puissent-ils être.
Je me rends compte avec ce mouvement qui a lieu depuis plusieurs jours, que je ne suis pas la seule, que nous sommes finalement toutes concernées, que nous avons toutes nos "anecdotes" dégueulasses... et que non, je ne suis pas responsable de ce qui m'est arrivé, je n'ai jamais cherché ce qui m'est arrivé, aucune d'entre nous ne l'est. Il m'aura fallu pas moins de 20 ans pour ouvrir les yeux. C'est long, 20 ans. C'est plus qu'assez pour ancrer profondément en moi ce qui me bloque à chaque jour qui passe.
Tout a commencé en 1996. J'avais 11 ans, et je me promenais sur les bords de Marne un bel après-midi ensoleillé, à pied. J'aimais bien à cette époque aller voir les pêcheurs, nombreux alors, regarder comment ils s'y prenaient. Mon père aimait pêcher, j'y allais avec lui. Ce jour-là, je me suis approchée d'un pêcheur, qui s'était installé à quelques mètres de là où j'habitais alors. Il m'a vue, et m'a proposé de m'approcher un peu plus afin que je puisse tout comme lui donner du pain aux canards. Il a mis quelques morceaux de ce pain rassis dans mes mains, et je les ai jeté gaiement, les uns après les autres. Les canards étaient de plus nombreux, j'étais à la fois émerveillée et surprise. Je ne m'attendais pas à ce que cela les attire à ce point. J'étais encore très jeune, je ne savais pas. Le pêcheur, lui, a remarqué à quel point j'étais stupéfaite. Et quand je n'ai plus eu la moindre miette de pain dans mes mains, il a repris sa canne à pêche dans ses mains, et m'a dit qu'il avait encore du pain. Dans ses poches. Que je pouvais me servir.
Naïve que j'étais, et n'ayant jamais vécu la moindre expérience réellement dérangeante de ma petite vie, je ne me suis pas méfiée. J'ai été reprendre du pain. Je l'ai jeté aux canards. Puis j'y suis retournée. Une fois. Deux fois. Jusqu'à ce qu'il bloque ma main avec la sienne dans sa poche. J'ignorais alors ce qu'il me faisait faire, ni ce qu'était ce truc tout dur que je sentais entre ses jambes. Mais j'étais gênée. Je ne pouvais plus ni parler, ni bouger, j'avais l'impression de m'être muée en une statue de cire, j'étais à sa merci. Mon père est arrivé quelques minutes plus tard, il se demandait où j'étais passée car il ne me voyait pas depuis les fenêtres de l'appartement. L'homme a immédiatement lâché ma main, et s'est remis à pêcher comme si de rien n'était. Je me souviens encore de mon père lui demandant si ça mordait. Et de ma honte, alors même que je ne savais pas exactement ce qu'il m'avait fait faire. Je savais pourtant que c'était mal. Mais je n'ai rien dit, et je suis rentrée à la maison avec mon père, comme si de rien n'était...
Un ou deux ans plus tard, je me baladais à pied également, cette fois-ci le long des trottoirs des rues de ma ville, avec ma meilleure amie d'enfance. Nous discutions et rigolions de tout et de rien. Jusqu'à ce qu'un cycliste passe dans le sens inverse. Tout ce que j'ai vu ce jour-là, ce fut la détresse dans les yeux de mon amie. J'ai eu bien du mal à lui faire dire, après le passage de ce cycliste, ce qu'elle avait vu pour être aussi effrayée. Après de longues minutes sous le choc, elle est parvenue à me dire que sa braguette était ouverte et qu'il se masturbait. Moi, je n'avais rien vu, je la regardais elle quand cet homme passait. Le soir venu, dans mon lit, j'ai repensé à ce qui m'était arrivé avec le pêcheur. C'est là que j'ai vraiment compris ce qu'il m'avait fait faire. J'ai beaucoup pleuré cette nuit-là. Mais encore une fois, je n'ai rien dit. Que pouvait-on y faire de toute façon ? Puis pour cette histoire avec le pêcheur, c'était ma faute, c'est moi qui avait mis ma main dans sa poche, il me l'avait juste proposé, il ne m'avait pas forcée. C'était moi la responsable.
1998. C'était les vacances d'été, j'étais pas loin de fêter mon 14ème anniversaire. J'aimais bien discuter avec les personnes âgées du quartier, depuis quelques temps. Je me souviens notamment d'une dame chez qui j'allais avec un copain pour jouer au scrabble pratiquement tous les mercredis après-midi, parfois le weekend aussi. D'une autre dame qui vivait dans une rue toute proche de là où j'habitais, à qui je disais bonjour à chaque fois que je passais par là et qu'elle était à sa fenêtre (et elle y était très souvent). Dans cette même rue, il y avait durant mon enfance une vieille ferme désaffectée. Puis elle a été détruite au profit d'une résidence élégante. Dans cette résidence vivait un homme âgé, qui faisait partie de ces gens à qui je disais bonjour quand je les croisais, et à qui je demandais des nouvelles. C'était une copine à moi qui me l'avait présenté quelques mois plus tôt. Je n'ai jamais su comment elle l'avait connu, ou alors peut-être me l'a-t-elle dit, mais j'ai oublié. Et j'ai d'ailleurs complètement occulté la raison pour laquelle je me suis retrouvée une fois seule avec lui, chez lui. Ce jour-là, je n'aurais jamais dû être là. Mais j'y étais.
Je ne me rappelle plus des paroles qui ont été prononcées alors. Mais je me souviens qu'il faisait très beau et chaud dehors. La télévision était allumée, c'était France 2 ou France 3, il y passait une émission de type talk show, avec des invités "de marque", des artistes. Et je ne sais comment, le monsieur chez qui j'étais s'est retrouvé braguette ouverte, matériel sorti, une de mes mains posée dessus, une de ses mains posée sur la mienne, et son autre main appuyant à l'arrière de ma tête, pour l'approcher, encore et encore, jusqu'à obtenir ce qu'il voulait. J'ai bien tenté de résister, mais j'étais comme une marionnette. Quand il a enfin relâché la force dans ses mains, je me suis immédiatement éloignée. Je me suis levée, et je suis partie en courant de cet appartement. J'ai dévalé les escaliers comme jamais. J'ai failli tomber. Je ne sais combien de temps j'ai couru ensuite. C'est le trou noir à ce moment. Je me souviens juste avoir retrouvé ma copine à cause de qui j'avais connu ce monsieur, et lui avoir tout raconté.
C'est là qu'elle m'a avoué être passée par des choses similaires avec lui, et que pour cette raison elle l'évitait. Elle voulait porter plainte, mais elle avait trop peur. C'est moi qui lui ai dit qu'on devait y aller toutes les deux. Nous sommes donc montées au commissariat. En m'approchant de la rue, juste à côté des ateliers municipaux dans lesquels mon père travaillait, j'ai eu une pensée pour ma meilleure amie d'enfance et son traumatisme causé par le cycliste 2 ans plus tôt. Elle vivait dans cette même rue. On n'avait plus jamais reparlé de ce jour-là depuis.
Quand nous sommes entrées au commissariat, ma copine et moi, nous n'en menions pas large. Nous étions bien décidées, mais nous avions tellement honte... C'est ma copine qui a dit à la policière que nous voulions porter plainte. C'est elle aussi qui a prononcé le mot fatidique quand la policière a demandé la raison de cette plainte. Viol. C'est là que j'ai compris l'ampleur de ce qui m'était arrivé. C'était un viol. Mais la réponse de la policière n'a pas été celle que nous espérions. Elle nous a expliqué qu'elle ne pouvait rien faire pour nous, que nous devions revenir avec nos parents respectifs. Cela signifiait que nous devions leur en parler. Nous sommes ressorties de là dépitées, et ne sachant surtout pas quoi faire. Il fallait en parler, il fallait dénoncer, mais nous nous étions persuadées que nos parents ne nous croiraient pas.
Ce n'est qu'en 2005 que j'ai réussi à aborder le sujet avec eux. 7 ans plus tard. C'était un soir où j'étais en visite chez mes parents avec mon petit ami. Nous étions sur le point de reprendre la voiture afin de rentrer chez nous. Et ce monsieur est passé, avec sa femme, à quelques mètres de nous. Ce fut la première fois que j'ai laissé entrevoir que j'avais eu un problème. Car je n'ai pas réussi à me contrôler ce soir-là. Je ne m'attendais pas à recroiser sa route. Mais je n'ai pas réussi à tout dire à mes parents ce soir-là. Je n'ai jamais réussi à tout dire. Et j'ai mis tellement de temps pour raconter le peu que j'ai réussi à raconter, que le monsieur était déjà parti loin avec sa femme. Puis pour moi, il était bien trop tard pour porter plainte. Alors que je savais que j'étais encore largement dans les temps. Puis j'étais majeure, je pouvais très bien le faire moi-même. Je n'ai jamais réussi à m'y résoudre, puis mes parents m'ont dit que cela n'en valait pas la peine, que cela ne m'apporterait rien. Ils n'avaient pas compris la gravité des faits. Parce que je n'avais pas tout dit, et surtout pas les conséquences sur ma vie de tous les jours. Pour eux, c'était du passé. Pas pour moi...
Ce n'est qu'aujourd'hui, en 2017, soit 20 ans après les faits, que je dis enfin tout. Il aura fallu l'existence de ce mouvement sur le web pour que je me rende compte que je ne suis pas un cas isolé, que je n'ai pas cherché ce qui m'est arrivé. Que je suis une victime avant tout. Et qu'il faut dire ces choses-là. Car, à garder tout cela pour soi, on en paye le prix fort. Aujourd'hui, je subis des blocages dans ma vie de couple à cause de ça. Et je les fais subir à la personne avec qui je suis. Il ne m'a pourtant rien fait de mal, et je le sais pertinemment. Mais même les sentiments, pourtant très forts, ne parviennent pas à me faire passer par-dessus ces blocages. Je n'ai pas encore trouvé la recette pour. Je n'y arrive pas. Un jour peut-être, cela changera. En parler, c'est déjà un gros pas en avant. Je peux enfin dire, 20 ans plus tard, que j'ai fait ce pas... Ma reconstruction personnelle doit passer par là... Aujourd'hui je me suis fait violence, j'ai enfin parlé... Maintenant, reste à arranger le reste...
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Je suis aussi écrivain et lectrice-correctrice. Retrouvez tous mes réseaux sociaux pour ne rien rater de mes actualités, ainsi que mon service de révision de texte et toutes les plateformes sur lesquelles vous pouvez vous procurer mes livres, sur mon LinkTree !
Je me rends compte avec ce mouvement qui a lieu depuis plusieurs jours, que je ne suis pas la seule, que nous sommes finalement toutes concernées, que nous avons toutes nos "anecdotes" dégueulasses... et que non, je ne suis pas responsable de ce qui m'est arrivé, je n'ai jamais cherché ce qui m'est arrivé, aucune d'entre nous ne l'est. Il m'aura fallu pas moins de 20 ans pour ouvrir les yeux. C'est long, 20 ans. C'est plus qu'assez pour ancrer profondément en moi ce qui me bloque à chaque jour qui passe.
Tout a commencé en 1996. J'avais 11 ans, et je me promenais sur les bords de Marne un bel après-midi ensoleillé, à pied. J'aimais bien à cette époque aller voir les pêcheurs, nombreux alors, regarder comment ils s'y prenaient. Mon père aimait pêcher, j'y allais avec lui. Ce jour-là, je me suis approchée d'un pêcheur, qui s'était installé à quelques mètres de là où j'habitais alors. Il m'a vue, et m'a proposé de m'approcher un peu plus afin que je puisse tout comme lui donner du pain aux canards. Il a mis quelques morceaux de ce pain rassis dans mes mains, et je les ai jeté gaiement, les uns après les autres. Les canards étaient de plus nombreux, j'étais à la fois émerveillée et surprise. Je ne m'attendais pas à ce que cela les attire à ce point. J'étais encore très jeune, je ne savais pas. Le pêcheur, lui, a remarqué à quel point j'étais stupéfaite. Et quand je n'ai plus eu la moindre miette de pain dans mes mains, il a repris sa canne à pêche dans ses mains, et m'a dit qu'il avait encore du pain. Dans ses poches. Que je pouvais me servir.
Naïve que j'étais, et n'ayant jamais vécu la moindre expérience réellement dérangeante de ma petite vie, je ne me suis pas méfiée. J'ai été reprendre du pain. Je l'ai jeté aux canards. Puis j'y suis retournée. Une fois. Deux fois. Jusqu'à ce qu'il bloque ma main avec la sienne dans sa poche. J'ignorais alors ce qu'il me faisait faire, ni ce qu'était ce truc tout dur que je sentais entre ses jambes. Mais j'étais gênée. Je ne pouvais plus ni parler, ni bouger, j'avais l'impression de m'être muée en une statue de cire, j'étais à sa merci. Mon père est arrivé quelques minutes plus tard, il se demandait où j'étais passée car il ne me voyait pas depuis les fenêtres de l'appartement. L'homme a immédiatement lâché ma main, et s'est remis à pêcher comme si de rien n'était. Je me souviens encore de mon père lui demandant si ça mordait. Et de ma honte, alors même que je ne savais pas exactement ce qu'il m'avait fait faire. Je savais pourtant que c'était mal. Mais je n'ai rien dit, et je suis rentrée à la maison avec mon père, comme si de rien n'était...
Un ou deux ans plus tard, je me baladais à pied également, cette fois-ci le long des trottoirs des rues de ma ville, avec ma meilleure amie d'enfance. Nous discutions et rigolions de tout et de rien. Jusqu'à ce qu'un cycliste passe dans le sens inverse. Tout ce que j'ai vu ce jour-là, ce fut la détresse dans les yeux de mon amie. J'ai eu bien du mal à lui faire dire, après le passage de ce cycliste, ce qu'elle avait vu pour être aussi effrayée. Après de longues minutes sous le choc, elle est parvenue à me dire que sa braguette était ouverte et qu'il se masturbait. Moi, je n'avais rien vu, je la regardais elle quand cet homme passait. Le soir venu, dans mon lit, j'ai repensé à ce qui m'était arrivé avec le pêcheur. C'est là que j'ai vraiment compris ce qu'il m'avait fait faire. J'ai beaucoup pleuré cette nuit-là. Mais encore une fois, je n'ai rien dit. Que pouvait-on y faire de toute façon ? Puis pour cette histoire avec le pêcheur, c'était ma faute, c'est moi qui avait mis ma main dans sa poche, il me l'avait juste proposé, il ne m'avait pas forcée. C'était moi la responsable.
1998. C'était les vacances d'été, j'étais pas loin de fêter mon 14ème anniversaire. J'aimais bien discuter avec les personnes âgées du quartier, depuis quelques temps. Je me souviens notamment d'une dame chez qui j'allais avec un copain pour jouer au scrabble pratiquement tous les mercredis après-midi, parfois le weekend aussi. D'une autre dame qui vivait dans une rue toute proche de là où j'habitais, à qui je disais bonjour à chaque fois que je passais par là et qu'elle était à sa fenêtre (et elle y était très souvent). Dans cette même rue, il y avait durant mon enfance une vieille ferme désaffectée. Puis elle a été détruite au profit d'une résidence élégante. Dans cette résidence vivait un homme âgé, qui faisait partie de ces gens à qui je disais bonjour quand je les croisais, et à qui je demandais des nouvelles. C'était une copine à moi qui me l'avait présenté quelques mois plus tôt. Je n'ai jamais su comment elle l'avait connu, ou alors peut-être me l'a-t-elle dit, mais j'ai oublié. Et j'ai d'ailleurs complètement occulté la raison pour laquelle je me suis retrouvée une fois seule avec lui, chez lui. Ce jour-là, je n'aurais jamais dû être là. Mais j'y étais.
Je ne me rappelle plus des paroles qui ont été prononcées alors. Mais je me souviens qu'il faisait très beau et chaud dehors. La télévision était allumée, c'était France 2 ou France 3, il y passait une émission de type talk show, avec des invités "de marque", des artistes. Et je ne sais comment, le monsieur chez qui j'étais s'est retrouvé braguette ouverte, matériel sorti, une de mes mains posée dessus, une de ses mains posée sur la mienne, et son autre main appuyant à l'arrière de ma tête, pour l'approcher, encore et encore, jusqu'à obtenir ce qu'il voulait. J'ai bien tenté de résister, mais j'étais comme une marionnette. Quand il a enfin relâché la force dans ses mains, je me suis immédiatement éloignée. Je me suis levée, et je suis partie en courant de cet appartement. J'ai dévalé les escaliers comme jamais. J'ai failli tomber. Je ne sais combien de temps j'ai couru ensuite. C'est le trou noir à ce moment. Je me souviens juste avoir retrouvé ma copine à cause de qui j'avais connu ce monsieur, et lui avoir tout raconté.
C'est là qu'elle m'a avoué être passée par des choses similaires avec lui, et que pour cette raison elle l'évitait. Elle voulait porter plainte, mais elle avait trop peur. C'est moi qui lui ai dit qu'on devait y aller toutes les deux. Nous sommes donc montées au commissariat. En m'approchant de la rue, juste à côté des ateliers municipaux dans lesquels mon père travaillait, j'ai eu une pensée pour ma meilleure amie d'enfance et son traumatisme causé par le cycliste 2 ans plus tôt. Elle vivait dans cette même rue. On n'avait plus jamais reparlé de ce jour-là depuis.
Quand nous sommes entrées au commissariat, ma copine et moi, nous n'en menions pas large. Nous étions bien décidées, mais nous avions tellement honte... C'est ma copine qui a dit à la policière que nous voulions porter plainte. C'est elle aussi qui a prononcé le mot fatidique quand la policière a demandé la raison de cette plainte. Viol. C'est là que j'ai compris l'ampleur de ce qui m'était arrivé. C'était un viol. Mais la réponse de la policière n'a pas été celle que nous espérions. Elle nous a expliqué qu'elle ne pouvait rien faire pour nous, que nous devions revenir avec nos parents respectifs. Cela signifiait que nous devions leur en parler. Nous sommes ressorties de là dépitées, et ne sachant surtout pas quoi faire. Il fallait en parler, il fallait dénoncer, mais nous nous étions persuadées que nos parents ne nous croiraient pas.
Ce n'est qu'en 2005 que j'ai réussi à aborder le sujet avec eux. 7 ans plus tard. C'était un soir où j'étais en visite chez mes parents avec mon petit ami. Nous étions sur le point de reprendre la voiture afin de rentrer chez nous. Et ce monsieur est passé, avec sa femme, à quelques mètres de nous. Ce fut la première fois que j'ai laissé entrevoir que j'avais eu un problème. Car je n'ai pas réussi à me contrôler ce soir-là. Je ne m'attendais pas à recroiser sa route. Mais je n'ai pas réussi à tout dire à mes parents ce soir-là. Je n'ai jamais réussi à tout dire. Et j'ai mis tellement de temps pour raconter le peu que j'ai réussi à raconter, que le monsieur était déjà parti loin avec sa femme. Puis pour moi, il était bien trop tard pour porter plainte. Alors que je savais que j'étais encore largement dans les temps. Puis j'étais majeure, je pouvais très bien le faire moi-même. Je n'ai jamais réussi à m'y résoudre, puis mes parents m'ont dit que cela n'en valait pas la peine, que cela ne m'apporterait rien. Ils n'avaient pas compris la gravité des faits. Parce que je n'avais pas tout dit, et surtout pas les conséquences sur ma vie de tous les jours. Pour eux, c'était du passé. Pas pour moi...
Ce n'est qu'aujourd'hui, en 2017, soit 20 ans après les faits, que je dis enfin tout. Il aura fallu l'existence de ce mouvement sur le web pour que je me rende compte que je ne suis pas un cas isolé, que je n'ai pas cherché ce qui m'est arrivé. Que je suis une victime avant tout. Et qu'il faut dire ces choses-là. Car, à garder tout cela pour soi, on en paye le prix fort. Aujourd'hui, je subis des blocages dans ma vie de couple à cause de ça. Et je les fais subir à la personne avec qui je suis. Il ne m'a pourtant rien fait de mal, et je le sais pertinemment. Mais même les sentiments, pourtant très forts, ne parviennent pas à me faire passer par-dessus ces blocages. Je n'ai pas encore trouvé la recette pour. Je n'y arrive pas. Un jour peut-être, cela changera. En parler, c'est déjà un gros pas en avant. Je peux enfin dire, 20 ans plus tard, que j'ai fait ce pas... Ma reconstruction personnelle doit passer par là... Aujourd'hui je me suis fait violence, j'ai enfin parlé... Maintenant, reste à arranger le reste...
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