"Le Necronomicon" des éditions Bragelonne |
Après avoir planché sur une partie de la mythologie créée par Lovecraft, avoir traité quelques-uns des Grands Anciens pour l'Antre, et avoir forcément beaucoup lu sur le sujet, il était plus que temps pour moi de m'attarder sur le coeur de ce qui fait cet univers si particulier, si riche, et si passionnant surtout. Voici donc mon étude des écrits de l'Arabe Dément, j'ai nommé Abdul AlHazred.
Pour commencer, qui est AlHazred ? Il s'agit d'un poète arabe du milieu des années 700 après J-C à Sanaá au Yemen, rendu célèbre par ses écrits démoniaques, et dont Lovecraft dresse une biographie dans "Histoire et Chronologie du Necronomicon". On dit qu'il vénérait Yog-Sothoth ainsi que Cthulhu. Le Necronomicon, lui, a été rédigé en arabe sous le titre "Al Azif", à Damas en Syrie, puis traduit en grec par Théodore Philétas. Puis, au XVème et au XVIIème siècle, il a été traduit en latin par Olaus Wormius. Le pape Grégoire IX a fini par l'interdire en 1232. La première mention de l'existence du Necronomicon se trouve dans un récit de Lovecraft, "Le Molosse", qui date de 1922. L'oeuvre que l'on surnomme "Le Livres des Morts", se traduit en réalité selon Lovecraft par "Une image de la loi des morts", du grec "nekros" ("mort"), "nomos" ("loi") et "eikon" ("image"). Quant à son nom d'origine, "Kitab Al Azif", il se traduirait par "Livre de l'azif", "azif" ayant pour sous-entendu le bruissement des insectes nocturnes, mais aussi le sifflement du vent du désert, s'apparentant au cri des Djinn.
Un extrait du manuscrit de Voynich |
Dans "Le Retour des Lloigors", l'auteur Colin Wilson évoque un autre manuscrit pour lequel il suggère que ce serait une copie partielle du Necronomicon. Il s'agit du "manuscrit de Voynich", écrit au XVème siècle et découvert en 1912 par Wilfrid M. Voynich qui lui donnera du coup son propre nom, dans une communauté de Jésuites à Frascati (Italie). Ce manuscrit mystérieux est rédigé à l'aide d'un alphabet inconnu, et aujourd'hui encore, personne n'est parvenu à le traduire malgré les nombreuses tentatives d'étude qui ont déjà été faites par des linguistes, cryptographes, chercheurs et autres écrivains. Mais on sait, grâce aux dessins faits à la main dont il est parsemé, qu'il est constitué d'un herbier, d'une partie sur l'astronomie, la biologie, la cosmologie et la pharmacologie, pour se clôturer par des recettes. Tout comme on sait également qu'il a été rédigé entre 1404 et 1438, grâce à la matière dans laquelle il a été conçu, le vélin, qui ne fut fabriqué que durant cette période.
Mais revenons au Necronomicon d'Abdul AlHazred, dont la première publication au sein d'une maison d'édition remonte à 1977 par un moine orthodoxe nommé Simon, dont la véritable identité n'a jamais été révélée. Je vous propose, avant d'aller plus loin dans son étude, de lire son introduction :
Introduction du Necronomicon |
La suite consiste en ce fameux témoignage, dont la première partie est une sorte de préambule au Necronomicon d'Abdul AlHazred. Plusieurs chapitres qui expliquent le cheminement du moine Simon pour en arriver à cette édition. Ses écrits ne sont que peu intéressants et brouillons par moment car on se perd dans une chronologie désordonnée. Ils prennent cependant une tournure plus logique et surtout gagnent en intérêt à partir du chapitre 3, consacré à sa découverte de la version grecque de Théodore Philétas du Necronomicon, et de la question de savoir s'il valait la peine de faire la traduction en anglais de ce "guide de magie sumérien" comme il sera identifié par une traductrice. Le chapitre 4, quant à lui, est centré sur les conséquences de la vente de cette traduction.
La seconde partie porte sur la tradition sumérienne et le dieu caché. Pour ce qui est du premier sujet, rappelons que le Necronomicon est un écrit sumérien, et que les noms des principaux Dieux qui y sont cités font partie du Sumer antique, puis de Babylone. On découvre donc l'historique sumérien, par exemple au travers de la secte Yezidi du nord de l'Irak et sa vénération de Shaitan. On en vient ensuite aux mythes mis-chtoniens. Quant au dieu caché, il s'agit bien évidemment de Cthulhu. Quelques autres sujets sont évoqués dans cette seconde partie des écrits de Simon, comme la magie imprégnée dans le Necronomicon, mais aussi les Noms Morts. Quelques autres chapitres jalonnent cette partie, à peu près aussi brouillons en terme de dates que la plupart des chapitres de la première partie.
A la fin de ces deux grandes parties, le moine Simon nous fait la joie de nous proposer une chronologie, dans l'ordre cette fois-ci, de tous les faits dont il parle entre 1950 et 2006. Débute ensuite le Necronomicon d'Abdul AlHazred.
"Al Azif", d'Abdul AlHazred |
LE TEMOIGNAGE DE L'ARABE DEMENT : PREMIERE PARTIE
Le Livre de l'Entrée et du Chemin
Présenté comme le Livre de l'Entrée des sept zones surplombant la Terre, on y apprend entre autre qu'elles sont gouvernés par les esprits célestes, que le Prêtre peut les atteindre mais qu'il doit laisser ses effets personnels au Gardien. Sans quoi il serait condamné à errer éternellement dans les ténèbres qui séparent les étoiles, ou alors dévoré par les Igigi. On peut prier dans le temple d'Ishtar. Il faut également porter sur soi le Sceau de l'étoile que l'on vise, puis bâtir un autel dirigé vers le nord. Comme il y a sept zones, forcément, il y a sept portes, liées aux sept planètes "philosophiques" qui sont nos 5 premières planètes ainsi que la lune et le soleil. Les portes en question sont les suivantes :
- la porte de Nanna, appelée Sin ;
- la porte de Nebo ;
- la porte d'Inanna, appelée Ishtar ;
- la porte de Shammash, appelée Uduu ;
- la porte de Nergal ;
- la porte du Seigneur Marduk ;
- et la porte de Ninib, appelée Adar.
Le rituel du Chemin et le protocole qui s'y réfère sont ensuite expliqués en détails. Trois Très Grands Anciens doivent être invoqués au cours du processus : Anu (le Père des Cieux), Enlil (le Père du Vent) et Enki (le Père). Puis le Gardien lui-même.
Les Incantations des Portes
Cette partie contient les différentes incantations à prononcer afin d'ouvrir les sept portes citées plus haut. Il s'agirait presque d'un recueil de poésie, et il n'y a pas grand chose à dire dessus finalement. Cela dit, sa lecture n'en est pas pour autant déplaisante.
La Conjuration du Dieu du Feu
De même ici, où il s'agit de conjurer le Dieu du Feu. Même chose que pour les Incantations de la partie précédente, peu de choses à en dire, d'autant plus qu'il n'y a qu'une seule page.
La Conjuration du Gardien
En ce qui concerne la conjuration du Gardien, la procédure est beaucoup plus complexe et ne se contente donc pas d'une "simple" incantation. Les formules qui se trouvent dans cette partie ont été transmises à l'auteur par le scribe d'Enki. Elles se composent de la Conjuration du Gardien, de l'Invocation Préliminaire, et enfin de l'Invocation classique du Gardien.
Le Texte Maklu
Cette partie porte sur l'immolation des esprits maléfiques, qui sont au nombre de sept, nommés les sept Maskim. Plus qu'une immolation, il s'agirait plutôt de bannissement ou d'exorcisme (les deux termes sont cités). Les textes à réciter sont, dans l'ordre :
- l'exorcisme de la couronne d'eau ;
- la conjuration contre les sept-qui-attendent ;
- l'exorcisme Barra Edinnazu contre les esprits qui attaquent le cercle ;
- l'exorcisme Zi Dingir (qui peut être utilisé contre tout type de malfaisants) ;
- l'exorcisme contre Azag-Thoth et ses émissaires ;
- l'incantation contre les Grands Anciens ;
- l'exorcisme contre la possession ;
- l'exorcisme d'Annakia ;
- l'emprisonnement des sorciers maléfiques ;
- l'autre emprisonnement des sorciers ;
- le charme contre les hordes de démons qui attaquent dans la nuit ;
- et la conjuration des montagnes de Mashu.
Le Livre de l'Appel
Plus précisément, il s'agit du Livre des Cérémonies de l'Appel. Les premiers paragraphes listent l'essentiel de ce qui est à savoir, en sept points. A la suite de cela et de quelques mesures procédurières, on trouve les textes qui permettent l'invocation des quatre portes du monde situé entre les sphères, nord, sud, est et ouest. Puis l'invocation préliminaire de la cérémonie de l'appel des esprits des morts qui résident à Cutha qui se réfère à l'art nécromant pour quiconque s'y intéresserait. Ensuite, on a le texte de la conjuration de toutes les puissances, à n'utiliser qu'en cas d'extrême nécessité. Puis la conjuration d'Ia Addu En I, présentée comme une grande conjuration mystique. Suite à cela, on trouve différents textes qui permettent de faire pas mal de choses différentes, après lesquels apparaissent les différents tracés à effectuer pour les textes précédents, dont les sceaux des quatre portes.
Le Livre des Cinquante Noms
Ici, il s'agit de la présentation des cinquante noms de Marduk, fils d'Enki et vainqueur des Grands Anciens. Il y est expliqué l'épopée de Marduk contre Tiamat, avant que l'on ne puisse découvrir les fameux cinquante noms, accompagnés de leurs Signes et Pouvoirs. A la lecture de ces portraits, pourtant succincts, on comprend qu'il s'agit de figures plutôt positives et bienveillantes, même si elle compte de véritables guerriers, certains se servant de la colère pour moteur, à l'image de Suhrim et Suhgurim, respectivement les 20 et 21ème noms. A contrario, le 33ème qui se nomme Zulum, apporte de bons conseils en terme d'affaires et de commerce, et protège contre les négociants malfaisants.
Le Texte Magan
Ici, on trouve des écrits réputés secrets et déconseillés aux non-initiés, venant de prêtres de l'Ancienne Croyance. Ces textes sont au nombre de cinq, et traitent entre autre d'Anu, Enlil, Enki, Tiamat et Marduk pour le premier, de la lignée des Grands Anciens pour le second, des origines oubliées des Hommes pour le troisième, du sommeil d'Ishtar et des sept Portes pour le quatrième, et d'Absu et Cuthalu pour le dernier.
A savoir : Magan (ou Makkan) est le nom d'une région de Mésopotamie citée dans les textes cunéiformes sumériens.
Le Texte Urilia
Le Texte Urilia, aussi appelé "Livre du Ver", se compose de formules rituelles qui permettent d'invoquer la progéniture des Grands Anciens qui sont :
- Humwawa ;
- Pazuzu ;
- Tiamat ;
- l'Akhkharu ;
- Lalartu ;
- Gelal ;
- Lilit ;
- et Xastur.
A la suite de quoi quelques autres textes, la Conjuration du Dieu Mort, l'Hymne aux Grands Anciens, et les Invocations des Puissances.
LE TEMOIGNAGE DE L'ARABE DEMENT : SECONDE PARTIE
Cette seconde partie du témoignage de l'Arabe Dément est beaucoup, beaucoup plus courte que la première, et se présente en quelque sorte comme sa conclusion. Mais aussi, la conclusion de la vie de l'auteur, car il y évoque sa propre fin. On sent le grand tourment dans lequel il est plongé à ce moment de sa rédaction, cette partie débutant en effet par une incantation vouée à se protéger contre une menace. Il sent en effet la menace d'une force supérieure qu'il n'identifie pas. La suite est constituée de sa propre vision de toutes les étapes qu'il décrit dans la première partie du Necronomicon, sans doute afin de laisser un témoignage au plus complet de ce à quoi peut amener la réalisation de tels rituels. Dans les dernières lignes de ce qui le compose, on peut lire ceci :
"Que ce Livre ne fût une amulette, un Sceau de protection ! Que mon encre ne fût l'encre des Dieux et non celle des hommes ! Mais il me faut me hâter d'écrire, et si vous ne pouvez comprendre ni déchiffrer ces mots, peut-être est-ce pour vous une preuve suffisante de la force et du pouvoirs des démons qui existent en ces temps et en ces lieux. Et aussi certainement un appel à la prudence afin que vous n'invoquiez pas inconsidérément, mais avec circonspection, et que vous ne cherchiez sous aucun prétexte à ouvrir cette Porte sur l'extérieur."
La mise en garde est très claire. "Ainsi s'achève le Necronomicon", comme en indique sa toute dernière page, avant de se conclure effectivement par le texte suivant :
Ne te penche donc pas
Vers le monde à la splendeur ombrageuse
Où perpétuellement règne une profondeur impie
Et les Enfers enveloppés de brume,
Se délectant d'images illisibles
Vertigineuses, tortueuses
Des abysses noirs sans cesse en mouvement
A jamais enlaçant un corps dénué de lumière
Informe
Et vide.
Les Oracles Chaldéens de Zoroastre
"Les divins oracles de Zoroastre", de François Habert |
LE LIVRE DE SORTS DU NECRONOMICON
et
LES PORTES DU NECRONOMICON
Le Necronomicon des éditions Bragelonne n'est pas constitué que des livres qui composent le Necronomicon. A sa suite, on trouve le livre de sorts du Necronomicon qui reprend notamment les cinquante noms de Marduk en plus détaillés, ainsi qu'une dernière partie nommée "Les portes du Necronomicon", une thèse qui se veut être est un supplément et un guide explicatif du Livre des Morts. Il contient autre autres une introduction à la cosmologie (celle qui parle à la fois du monde visible et du monde invisible, le microcosme et le macrocosme), mais évoque également le tantrisme, les messes noires, ainsi qu'une approche scientifique. S'en suit tout l'historique du vécu du Necronomicon, de sa découverte à ses différentes traductions et publications, en passant par ses évocations dans le monde de la musique, du jeu vidéo, ou encore auprès de certaines sectes voire loges, sataniques ou non, et les sacrifices de sang qui ont été reliés au Livre des Morts.
Puis on en vient dans la première partie à l'étude du mythe des portes, ces fameuses portes dont je parle dans la première partie du témoignage de l'Arabe Dément. Sont évoqués le symbolisme de la Porte au sens large, sa place dans les civilisations antiques qui nous fait faire un tour du côté de l'Egypte ou encore de l'étude de la constellation de la Grande Ourse dans la tradition hindoue, cette constellation étant une clé pour les Portes et il s'agit là du sujet du 3ème chapitre. Ensuite, un exposé sur la formation du corps astral.
La seconde partie de cette thèse porte sur les rituels des Portes. Celui-ci reprend les éléments du rituel du Chemin expliqué dans la première partie du témoignage de l'Arabe Dément, puis ceux de chacune des Portes, avec des informations complémentaires pour chacune d'elles, dont des analogies taoïstes qui permettent de mieux les comprendre. On a ensuite l'étude approfondie de l'Appel.
La troisième et dernière partie se compose des tables de l'Ourse, introduite par une explication complète sur la fête de Walpurgisnacht (célébration païenne qui a lieu tous les ans le 30 avril). Les tables, quant à elles, partent de l'année 2016 pour s'arrêter en 2022.
Une représentation de la nuit de Walpurgis, par Ferdinand Delacroix |
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