03/10/2021

Le jeu de la dame / The Queen's Gambit

"Le jeu de la dame", une série Netflix
"Le jeu de la dame", une série Netflix

Comment parvenir à susciter l'intérêt d'un maximum de téléspectateur, en mettant en scène un jeu de réflexion auquel une grande majorité n'y comprend strictement rien ? C'est le pari risqué que se sont donnés Scott Frank et Allan Scott, en adaptant pour Netflix un roman publié en 1983, "The Queen's Gambit" de Walter Tevis, un écrivain américain né en 1928 et décédé en 1984, également passionné d'échecs. Le sujet ? Dans les années 50, une petite fille se trouve dans un orphelinat suite au décès brutal de sa mère. Dans cet orphelinat, elle fait la rencontre du gardien des lieux, Mr Schaibel, qui se terre dans le sous-sol, devant un jeu d'échecs auquel il joue seul. De fil en aiguille, il va lui apprendre les règles de base de ce jeu si complexe, et tout au long des 7 épisodes d'environ une heure que dure la mini-série "Le jeu de la dame", on va suivre le parcours de cette petite fille jusqu'à l'aube des années 70, entre victoires et défaites, aux Etats-Unis, en France, et en Russie, là où se trouvent les plus grands joueurs d'échecs du monde. Son but ? Devenir la meilleure, ni plus, ni moins.


J'ai appris à jouer aux échecs vers l'âge de 11 ou 12 ans, grâce à un petit jeu électronique de marque Saitek que mes parents m'ont offert, et qui m'a permis d'en apprendre les règles. Les pions mesuraient à peine 1cm de haut avec la petite tige qu'il fallait enfoncer dans le plateau pour valider le déplacement d'une pièce pour le système électronique face auquel je jouais. C'était un système très évolué, j'en passais les niveaux de difficulté dès lors que j'étais parvenue à comprendre la technique que la machine m'apprenait. C'était astucieux et très prenant, et même s'il m'arrivait de perdre patience à force d'échouer sur certains niveaux, c'était une véritable fête lorsque j'en passais un ! Le gros avantage que me procurait mon jeu, c'est que je pouvais en rabattre le couvercle tout en laissant une partie en cours, et il se glissait facilement dans un sac car il était petit.

Le jeu d'échecs électronique que je possédais (photo prise sur Pinterest)
Le jeu d'échecs électronique que je possédais (photo prise sur Pinterest)

De fait, à cette époque, ce jeu me suivait absolument partout, à la maison, en vacances, au collège même où j'y jouais durant les récréations. Certains collégiens venaient me regarder faire, et une petite minorité m'a proposé de temps à autre de jouer une partie, mais je n'ai pratiquement jamais trouvé un joueur qui avait le "niveau" que j'avais acquis grâce à cette machine. Oh je ne suis pas devenue une joueuse exceptionnelle, je ne connais pas les noms des ouvertures ni même ceux des coups spéciaux, et je n'avais même pas la moindre idée de comment se déroulait un concours d'échecs avant de débuter le visionnage de la mini-série "Le jeu de la dame" (je connaissais juste l'existence du double chronomètre). J'ai seulement acquis un petit niveau qui me permet de pouvoir dire que je sais jouer aux échecs, c'est tout. J'ai abandonné ce jeu au fil des années car je n'avais pas d'adversaire réel et que j'ai fini par m'ennuyer de ne jouer que face à la machine.

Même mon père, pourtant adepte des jeux de société comme des jeux de réflexion, préférait jouer aux dames. Je n'aime pas tellement les dames, même s'il m'arrivait d'y jouer avec lui. Je déteste cette règle du "souffler n'est pas jouer" qu'il me rebâchait très souvent. J'ai toujours eu du mal à intégrer que, contrairement aux échecs où l'on est libre de prendre un pion ou non en fonction de ce que l'on veut faire ou de ce que l'adversaire tente, aux dames c'est une règle imposée. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai toujours préféré les échecs, mais lui ne voulait pas s'y mettre. J'ai donc fini par remiser mon petit jeu d'échecs électronique, et n'ai plus jamais entendu parler de ce jeu jusqu'à que peu avant Noël 2020, ma fille de 11 ans me confie qu'elle aimerait en avoir un. Cela m'a fait alors sourire, car non seulement elle m'avait rappelé moi-même à son âge, mais en plus, j'avais vaguement entendu parler d'une série qui venait de sortir sur Netflix et qui mettait justement ce jeu à l'honneur. Seulement, je n'avais pas encore eu l'occasion de la regarder.

Une partie d'échecs entre Vasily Borgov et Elisabeth Harmon
Une partie d'échecs entre Vasily Borgov et Elisabeth Harmon

Puis j'ai appris qu'elle suscitait un véritable engouement auprès des gens, que les ventes de jeux d'échecs se sont littéralement envolées pour ce Noël 2020, et je me suis demandée comment une série avait-elle réussi ce tour de force d'intéresser les gens. J'ai enfin pu prendre le temps de regarder "Le jeu de la dame" et, alors que je l'ai terminée il y a déjà plusieurs jours, j'en reste encore en émoi. En voilà une série diablement prenante, en seulement 7 épisodes ! Je ne comprenais pas bien au premier abord l'engouement pour "Le jeu de la dame", cette série traitant, comme je le disais en introduction, d'un jeu tout sauf facile, tant dans son fonctionnement que dans la difficulté à créer un intérêt autour à travers une série. Mais c'est avec les frissons que j'ai passé l'épisode final, tant elle est intense ! En effet, il n'y a nul besoin d'être un joueur aguerri, ni même de connaître le moindre déplacement, pour se prendre au jeu de la dame. Cette série est tout bonnement exceptionnelle, hypnotisante même, tant par son scénario que par le jeu des acteurs, notamment celui de la comédienne principale, Anya Taylor-Joy, qui est absolument parfaite dans le rôle d'Elisabeth Harmon. Tout est parfait dans cette mini-série, des angles de vue aux regards des acteurs en passant par les tenues qui dépeignent incroyablement bien l'époque, jusqu'à l'accompagnement musical magistral ! C'est un beau tour de force pour une adaptation d'un roman basé sur un sujet aussi difficile à porter à l'écran.

En effet, pour susciter un engouement, il ne fallait pas que le scénario du "Jeu de la dame" ennuie. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est une véritable réussite ! Elle tient surtout aux éléments que j'ai cités plus haut mais pas que. Le scénario lui-même n'est absolument pas dénué d'intérêt, et c'est surtout ce point qui intéresse finalement les téléspectateurs qui n'y connaissent rien aux échecs. L'histoire d'Elisabeth Harmon, étalée sur une vingtaine d'années, bien que construite principalement autour de son ascension dans le monde des échecs, n'est pas seulement centrée sur ce sujet. Beth Harmon, du fait d'être devenue orpheline à l'âge de seulement 9 ans, est hantée durant tout son parcours par la mort brutale de sa mère. De son père, on ne sait rien, et on n'en apprend pas tellement plus une fois la série terminée. Mais l'on voit sa mère à plusieurs reprises, et on comprend de mieux en mieux le climat dans lequel la petite Beth a vécu les premières années de sa vie, expliquant aisément ses moments de perdition auxquels on assiste à plusieurs moments, même s'il persiste une zone d'ombre. Eh oui, tout n'est pas dit au sujet de sa petite enfance, et on ne peut qu'imaginer une grande partie de l'histoire. Personnellement, je n'ai pas trouvé cela dérangeant. Au contraire, je trouve que cela contribue à garder une forme de mystère autour de ce personnage, qui la rend particulièrement attachante. Au fil des épisodes, on sourit avec ses victoires, on est pris d'un sentiment de haine quand on se rend compte à quel point son père d'adoption ne la considère pas, on est triste quand elle coule, et on est soulagé quand elle remonte à la surface. "Le jeu de la dame", c'est tout un panel d'émotions qui nous traverse. Vraiment, une magnifique réussite !

Le champion du monde d'échecs Garry Kasparov
Le champion du monde d'échecs Garry Kasparov

Il faut savoir que pas moins de 350 parties sont proposées à travers les 7 épisodes que comptent "Le jeu de la dame", et que c'est le célèbre joueur Bruce Pandolfini qui les a inventées et peaufinées. Le joueur encore plus célèbre et champion du monde Garry Kasparov a également participé en tant que consultant sur le tournage, et le rôle du joueur russe Vasily Borgov lui était par ailleurs destiné. Kasparov n'a pu le camper, pour cause de soucis d'emploi du temps. Anya Taylor-Joy, quant à elle, a accepté d'occuper le rôle de Beth Harmon sans même avoir lu le script de la série. A savoir également, le regretté Heath Ledger voulait adapter le roman de Walter Tevis en un film, mais ce projet n'a pu être mené à bien du fait de son décès en 2008. Le succès du "Jeu de la dame" est tel que cette mini-série s'est retrouvée dans le top 10 des programmes les plus regardés dans pas moins de 63 pays. C'est aussi la série la plus regardée de toute l'histoire de Netflix, devant des monuments tels que "Breaking Bad" (vous pouvez voir ma chronique à ce sujet). En somme, si vous n'avez pas encore pris le temps de regarder "Le jeu de la dame", foncez, même si vous ne connaissez rien aux échecs ! Vous n'en ressortirez clairement pas déçu(e) ;-)

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