L'affiche du film "Shining" |
Shelley Duvall a eu quelques autres rôles marquants, tel qu'Olive dans "Popeye" (1980) ou encore Susan Frankenstein dans le "Frankenweenie" de Tim Burton (1984). Mais c'est vraiment son rôle de Wendy Torrance dans "Shining" qui marque sa filmographie. Le décès de Shelley Duvall, née le 7 juillet 1949 et décédée le 11 juillet dernier, est une occasion pour moi d'évoquer ce film sur l'Antre, d'autant plus qu'il y a beaucoup à en dire.
En effet, Stanley Kubrick, son réalisateur, outre le fait qu'il soit réputé pour avoir fait d'excellents films tels que "Spartacus" (1960) ou encore "Orange Mécanique" (1971), il est surtout connu pour ses méthodes de travail très particulières. Perfectionniste, il est ce genre de personnes qui n'hésite pas à faire tourner une même scène des centaines de fois, jusqu'à obtenir l'enregistrement parfait. C'est justement ce qui nous vaut la perfection du jeu d'acteur de Jack Nicholson, le rôle masculin principal de "Shining".
Kubrick a en effet su capter l'essence même de la folie de Jack Torrance, le personnage que Nicholson joue dans ce film. Il s'agit d'un écrivain qui se fait engager en tant que gardien de l'hôtel Overlook, dans le Colorado, le temps d'un hiver. La géographie fort isolée des lieux est pour lui l'occasion de retrouver ses idées, lui qui est en panne d'inspiration, et de se remettre à l'écriture. Mais durant cet hiver qu'il va passer là avec sa femme Wendy et leur fils Danny, il va se passer des choses de plus en plus étranges au sein de cet hôtel.
Des choses qui vont pousser le père de famille, déjà en proie à une certaine forme de schizophrénie, dans une folie de plus en plus profonde, au point où il finira même par s'en prendre à cette pauvre Wendy, jeune femme très effacée, et surtout, qui n'a rien demandé. Quiconque a vu ce film se souvient forcément de la course-poursuite dans ce labyrinthe de glace à l'extérieur de l'hôtel. Ce passage est au moins aussi marquant que l'explication qui se cache derrière le titre de ce film, qui est lié de très près au personnage de Danny, le fils de la famille. Je n'en dirai pas plus pour ne pas spolier celles et ceux qui pourraient ne pas encore avoir vu ce film.
Et d'ailleurs, ce n'est pas du tout une tare de ne pas l'avoir vu, car bien qui soit considéré comme un bon Kubrick, si on compare ce film au roman du King, il y a bien plus d'une chose qui coince. En effet, il est considéré comme rien de moins qu'une adaptation carrément ratée du livre ! Rien que ça ! Et Stephen King lui-même, interrogé sur la question, a avoué avoir à la fois adoré et détesté cette adaptation. Il a surtout regretté que l'esprit de son roman ne soit pas respecté à sa juste valeur, et que ses thèmes majeurs n'y soient pas abordés comme il le fallait.
Bon après, si on regarde du côté des chiffres au box office, "Shining" n'a pas du tout été un échec pour Kubrick. En effet, son nombre d'entrées en France a dépassé celui des deux films qui l'ont suivi, et qui sont "Full Metal Jacket" (1987) et "Eyes Wide Shut" (1999). De même, son chiffre d'affaires aux États-Unis a été bien plus élevé que pour les deux films qui l'ont précédé, et qui sont "Orange Mécanique" (1971) et "Barry Lyndon" (1975). Définitivement, "Shining" n'a pas été un échec. Du tout.
Et pourtant, une partie des cinéphiles n'a pas apprécié ce film. Et cela est principalement dû aux trop grandes disparités entre le scénario, et le roman de Stephen King. Parmi les plus grosses divergences, il y a le profil de Jack Torrance à son arrivée à l'hôtel Overlook. Alors que dans le film, on constate clairement qu'il a déjà des problèmes psychologiques importants avant même d'arriver à l'hôtel, Stephen King a placé cette folie dans l'hôtel lui-même, et ce sont des forces qui y résident qui vont entacher la raison de Jack.
Parmi les plus petits détails, les plus puristes du King auront remarqué que Kubrick a choisi de modifier le numéro de la chambre interdite, qui passe de la 217 pour King, à la 237 pour Kubrick. Aussi, l'alcoolisme de Jack, très présent dans le roman, est presque complètement effacé du film. On y entend même Jack dire à un moment qu'il n'en a pas bu une goutte depuis plusieurs mois. Pourtant, cette pathologie est centrale chez ce personnage dans le roman. Et justement, Jack lutte tout au long du livre contre ce mal.
Aussi, un peu plus haut, je parlais de l'épisode du labyrinthe. Eh bien, il n'existe absolument pas dans le livre. Idem en ce qui concerne les filles de l'ancien gardien, ces deux jeunes filles en robe bleue et blanche que Danny rencontre au détour d'un couloir de l'hôtel. Cette scène n'existe pas non plus dans le livre. Et a contrario, à aucun moment le film ne mentionne l'épisode des guêpes, qui se trouve quant à lui dans le livre.
Au final, cela fait beaucoup de disparités, et encore je ne les ai pas toutes citées. Et en fait, on ne peut que comprendre pourquoi les fans de Stephen King ont tant de mal à apprécier le film de Stanley Kubrick. Cela dit, si on prend ce film juste pour un film, si on met de côté qu'il est l'adaptation ratée d'un roman, "Shining" est un très bon film d'horreur psychologique ! Il faut juste le voir comme ça pour pouvoir l'apprécier.
Pour finir sur Shelley Duvall, inoubliable interprète de Wendy Torrance, je ne peux terminer cet article sans préciser qu'elle a gardé toute sa vie durant les stigmates du tournage de ce film. C'est en 2021, plus de 20 ans après qu'elle ait tourné le dos à Hollywood malgré un début de carrière très prometteur, qu'elle a accepté de dévoiler à Seth Abramovitch, journaliste au Hollywood Reporter, l'enfer que fut le fait de travailler avec Stanley Kubrick.
En effet, pour rendre le personnage de Wendy le plus crédible possible, le réalisateur a littéralement fait vivre un enfer à Shelley. Elle a confié que 6 jours sur 7, pendant pas moins de 16h par jour, Kubrick l'a forcée à demeurer dans un état permanent d'hystérie et de peur, de larmes et de torture psychologique. Même Angelica Huston, la compagne de Jack Nicholson, a confirmé l'état dans lequel elle a pu voir Shelley Duvall sur le tournage.
La pire scène du film a également été la pire à tourner pour Shelley. Il s'agit bien évidemment de cette scène dans laquelle Jack Torrance court après sa femme, une hache dans les mains, en menaçant de lui exploser la tête. Le tournage de cette seule séquence a pris pas moins de 3 semaines, chaque jour durant il a fallu la refaire. En tout, elle a été refaite 127 fois. Et même 40 ans après, Shelley Duvall n'a pas pu s'empêcher de fondre en larmes en revoyant les images qui en ont été gardées pour le film.
Déjà en 1981, elle a annoncé au magazine People que jamais plus elle ne donnerait à nouveau de sa personne comme elle l'a fait sur ce tournage-là. Et malgré son apparition dans plusieurs téléfilms, séries télévisées et films (dont "La Malédiction de la Momie" en 1998), Shelley ne s'est jamais complètement relevée du tournage de "Shining". Sa carrière s'est brutalement arrêtée en 2002, après une apparition dans le film "Manna from Heaven". Et lors de sa dernière apparition télévisée, en 2016, face à l'animateur Phil McGraw, on a pu voir l'étendue de sa vulnérabilité. Cet étalage a d'ailleurs été reproché à McGraw. On peut toujours la voir dans son intégralité sur YouTube.
Au-delà de ce que l'on peut penser de l'adaptation par Stanley Kubrick du roman "Shining, l'enfant lumière" de Stephen King, Shelley Duvall restera dans toutes les mémoires pour le rôle de Wendy Torrance.
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